Mostra de Venise: pourquoi "The Voice of Hind Rajab" peut créer le choc au festival

"The Voice of Hind Rajab" de Kaouther Ben Hania - The Party Sales
C'est probablement le film le plus attendu de la Mostra de Venise. Présenté ce mercredi aux festivaliers, The Voice of Hind Rajab de la Tunisienne Kaouther Ben Hania narre l'histoire d'une fillette palestinienne tuée à Gaza en janvier 2024 par l'armée israélienne. Il s'annonce déjà comme un choc.
Et pour cause, les enregistrements de l'appel de Hind Rajab avec les secours, au cœur du film, avaient suscité une vive émotion internationale il y a plusieurs mois.
En lice pour le Lion d'or, le long-métrage conforte la dimension très politique de cette 82e Mostra. Cette dernière a été marquée par la manifestation samedi dernier de plusieurs milliers de personnes exhortant le festival à prendre clairement position contre les actions d'Israël dans la bande de Gaza, dévastée par la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien.
Si le directeur artistique du festival, Alberto Barbera, espère ne pas susciter de polémique supplémentaire avec ce film, il a tout de même prévenu, très ému en juillet, qu'il aurait "un fort impact sur le public".
"J'ai pleuré, j'ai écrit"
Âgée de cinq ans, Hind Rajab a été retrouvée morte à l'intérieur d'une voiture criblée de balles dans la ville de Gaza, après avoir passé des heures au téléphone, le 29 janvier 2024, avec le Croissant-Rouge palestinien. Le véhicule dans lequel elle voyageait avec d'autres membres de sa famille avait été visé par des soldats israéliens.
La réalisatrice Kaouther Ben Hania, auréolée du César du meilleur film documentaire en 2024 pour Les Filles d'Olfa, a raconté sur Instagram qu'elle avait entendu presque par hasard les extraits des appels à l'aide d'Hind Rajab, et contacté le Croissant-Rouge.
"J'ai longuement parlé avec la mère de Hind, avec les personnes qui étaient [avec elle] à l'autre bout du fil, ceux qui ont essayé de l'aider. J'ai écouté, j'ai pleuré, j'ai écrit", a ajouté la Franco-Tunisienne, qui a obtenu le consentement de la famille.
Soutien hollywoodien
Peu d'informations ont filtré sur le contenu du film, tourné avec des acteurs palestiniens, et se déroulant dans le centre de contrôle du Croissant-Rouge. Mais il bénéficie de soutiens de poids, en la personne des acteurs Brad Pitt et Joaquin Phoenix, tous deux producteurs exécutifs sur ce projet, a indiqué Variety fin août.
"Ils ont vu le film et ont été impressionnés", a confirmé l'équipe de presse de The Voice of Hind Rajab à l'AFP. Alfonso Cuaron, le réalisateur de Roma, Rooney Mara, Jonathan Glazer, qui a signé La Zone d'intérêt, ainsi que Dede Gardner et Jeremy Kleiner, partenaires de production de Brad Pitt chez Plan B, se joindront également au générique du film.
La mère d'Hind Rajab, Wissam Hamada, espère de son côté que "ce long-métrage contribuera à arrêter cette guerre destructrice et à sauver les autres enfants de Gaza", a-t-elle déclaré à l'AFP, jointe par téléphone à Gaza-ville.
"Hind n'est qu'un cas parmi des milliers, pourquoi le monde n'a-t-il pas agi pour sauver les autres parents et les autres enfants?, demande la femme de 29 ans, qui vit avec son fils de cinq ans et dont le mari est mort il y a un an. Le monde entier nous a laissés mourir, avoir faim, avoir peur et être déplacés de force sans rien faire, c'est une immense trahison."
Interrogée par l'AFP, l'armée israélienne, qui n'a jamais annoncé une enquête formelle sur ce drame, a indiqué, sans plus de détails, que les circonstances de la mort de la fillette étaient encore "en train d'être examinées".
Cap sur les Oscars?
Après Venise ce mercredi, le film va faire le tour des festivals de cinéma d'automne, comme Toronto, Londres, Saint-Sébastien ou Busan. Son titre revient déjà beaucoup dans la presse spécialisée pour les sélections des Oscars.
Pour rappel, l'attaque du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 47 restent retenues à Gaza dont 25 ont été déclarées mortes par l'armée israélienne.
La campagne de représailles israéliennes a fait au moins 63.633 morts dans la bande de Gaza, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé de Gaza, placé sous l'autorité du Hamas. Le ministère, dont les chiffres sont jugés fiables par l'ONU, ne précise pas le nombre de combattants tués.