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Haute-Garonne

"Entre 20 et 30 clients par jour": 14 hommes devant la justice à Toulouse pour avoir prostitué des adolescentes

La balance de la justice, au tribunal de Rennes, le 19 mai 2015.

La balance de la justice, au tribunal de Rennes, le 19 mai 2015. - DAMIEN MEYER / AFP

Des hommes accusés d'avoir prostitué des jeunes mineures, en France et à l'étranger, comparaissent depuis lundi 6 octobre devant le tribunal correctionnel de Toulouse.

Un "mode d'organisation similaire à ceux du trafic de stupéfiants". À Toulouse, une enquêtrice a décrit, ce lundi 6 octobre, le fonctionnement de deux réseaux de jeunes proxénètes présumés, jugés par le tribunal correctionnel pour exploitation de mineures "en détresse", phénomène en croissance dans l'Hexagone.

"Ce sont des jeunes filles qui sont dans la précarité émotionnelle, sociale, psychologique", a expliqué à la barre l'adjudant-chef Nathalie Herail pour décrire ces adolescentes, souvent placées en foyer ou faisant l'objet de mesures éducatives.

"Et le plus frappant c'est qu'elles ne se considèrent pas comme victimes, c'était assez fou pour nous", a souligné la gendarme, chargée des investigations pour la section de recherches de la gendarmerie de Toulouse, décrivant une attitude qui se retrouve, selon les associations spécialisées, dans la plupart des dossiers de ce type aboutissant de plus en plus devant les juridictions, à Toulouse, Marseille ou en région parisienne.

L'adjudant-chef a évoqué l'exemple d'Anna (prénom modifié) et expliqué: "c'est comme si elle avait trouvé une manière d'exister, comme si elle n'avait pas existé avant, et que le fait de pouvoir s'acheter des vêtements et des produits de luxe, c'était une manière d'exister".

Entre 20 à 30 clients par jour

Mais pour accéder à cette "manière d'exister", Anna qui avait 15 ans lorsqu'elle a commencé, se prostituait "de 11h00 à 05h00 du matin", ce qui correspondait à "entre 20 et 30 clients par jour", détaille l'enquêtrice.

Et le jour où elle appelle le principal prévenu du dossier jugé à Toulouse pour lui dire qu'elle n'en peut plus, il lui répond qu'elle a "donné son cœur à la street" et que "c'est lui qui décidera" quand elle pourra arrêter.

Ce jeune homme de 29 ans, l'un des deux plus âgés dans cette affaire, où la majeure partie des protagonistes ont moins de vingt ans, est accusé d'avoir été le patron d'un premier réseau de proxénètes qu'il dirigeait depuis sa prison à Béziers, avant que certains de ses associés décident de monter leur propre réseau.

Dans les deux cas, "il est évident que c'était un mode d'organisation très, très similaire à ceux des trafics de stupéfiants", a expliqué Nathalie Herail, détaillant le rôle bien défini des différents acteurs, un travail rendu possible par des interceptions téléphoniques, surveillances physiques et investigations bancaires.

Au moins 220.000 euros de gains

L'organisation compte des jeunes hommes chargés de la sécurité, qui escortent les filles et sécurisent les appartements ou chambres d'hôtel loués pour la prostitution, d'autres s'occupent de récolter les gains tandis qu'un troisième groupe s'occupe de la gestion et du transfert des sommes générées.

Pour les jeunes femmes, souvent droguées au protoxyde d'azote, "la fin de la journée est conditionnée à un chiffre d'affaires de 1.200 euros par fille" dont 200 reviennent à celui qui les escorte, les 1.000 euros restants étant répartis 50/50 entre le proxénète et la jeune fille.

De fin octobre 2023 à début janvier 2024, "on a évalué les gains du réseau a minima à 220.000 euros", a rapporté l'enquêtrice, ajoutant cependant qu'en évoquant ce chiffrage à Anna lors de sa garde à vue, celle-ci leur "avait ri au nez", les qualifiant de "très en-deça" de la réalité.

Des voyages en Suisse et en Belgique

L'enquête de la gendarmerie, qui a dû intervenir rapidement pour protéger les mineures victimes, a permis d'établir que les jeunes femmes se prostituaient en région toulousaine, mais aussi dans des appartements à Paris ou lors de voyages en Suisse et en Belgique.

Devant le tribunal correctionnel de Toulouse, plusieurs des prévenus ont dès le début de l'audience reconnu avoir participé aux réseaux mis en cause. Le procès doit se poursuivre jusqu'à ce vendredi 10 octobre.

Dans un premier temps, le tribunal juge quatorze adultes membres des deux réseaux, puis huit autres jeunes, mineurs, comparaîtront ultérieurement devant le tribunal pour enfants de Toulouse.

S.M avec AFP